Les rumeurs du rachat de Tesla, le fabricant d’autos électriques, par Apple, reposent sur un nombre impressionnant d’indices.
Le San Francisco Chronicle, dans son édition du dimanche 16 février, affirmait qu’Adrian Perica, le responsable des acquisitions d’Apple, et Elon Musk, patron de Tesla, le fabricant de voitures sportives électriques, s’étaient entretenus longuement la semaine passée après une première rencontre au printemps 2013. Mercredi matin , c’est le San Jose Mercury news ( SJMN) , le journal le plus proche du siège d’Apple, qui confirmait des discussions avancées. Les rumeurs ont eu pour effet de booster la valeur de l’action Tesla et de diminuer celle d’Apple.
L’idée qui prévaut est qu’Apple a largement assez de cash pour s’offrir une structure comme celle de Tesla, une firme emblématique de l’innovation de la Silicon Valley. Tesla Motors est valorisé à plus de 24 milliards de dollars au Nasdaq. Une somme assez raisonnable puisque Apple surfe sur une vague de cash de plus de 160 milliards de dollars, une valeur fluctuante et un chiffre rarement atteint par une société d’informatique, un vrai risque à ce niveau. La firme n’a fait que racheter ses actions, une attitude de prudence qui n’est pas dans la logique historique de la firme. Tim Cook, le patron actuel d’Apple avait d’ailleurs précisé à l’occasion des résultats du premier trimestre 2014 être en train d’analyser les marchés à investir, même hors du périmètre habituel de la firme.
L e New York Times rappelait que Steve Jobs , le fondateur d’Apple avant sa mort avait déclaré à l’ un de ses journalistes , John Markoff :« que s’il avait eu plus d’énergie , il serait allé concurrencer « Détroit » avec une Apple car. » Millard Drexler, l’un des dirigeants d’Apple avait lui même révélé en mai 2012 dans l’Huffington Post le projet auto de Steve Jobs.' »Avant de mourir, le rêve de Steve Jobs était de dessiner une iCar », avait indiqué Drexler. Selon lui, le fondateur d’Apple regrettait le design « tragique » des voitures américaines. S’il avait pu mener le projet de son vivant, l’iCar aurait pu convaincre « 50 % des parts du marché ».
Un besoin « urgent » de retrouver une image d’innovateur
Tim Cook, le patron d’Apple auquel on a déjà reproché son manque d’innovation, en s’offrant Tesla trouverait une forme de revanche vis-à-vis de l’intelligentsia économique sceptique sur ses capacités de leader et une vraie légitimité auprès des aficionados d’Apple. Les passionnés ne pourront pas se contenter éternellement d’une énième version d’un Mac Book ou d’un iPhone repeints dans une couleur à la mode.
Une « iCar » d’Apple, électrique, à moins de 30 000 dollars, serait une vraie révolution et une parfaite exploitation de l’image excellente d’Apple. Le « Brand » Apple, selon les fans, mérite mieux qu’une Apple TV toujours remise aux calendes grecques. Tesla est la seule firme sur les créneaux des autos électriques haut de gamme. Un modèle d’auto « presque » économique serait déjà dans les cartons de Tesla mais nécessiterait de nouvelles chaines de montage. Elle doperait l’image du californien en la projetant dans l’usine robotisée de Tesla à Fremont, à quelques centaines de mètres de l’endroit où Jobs avait conçu en 1984 une première usine de robots pour monter les Macintosh sans ouvriers ou presque. Cela constituerait une vraie marque de relance « américaine » à l’heure ou plus de 50% des véhicules américains sont construits par des constructeurs japonais ou coréens. L’image d’une Californie « verte» entre aussi dans la ligne de pensée d’Apple, elle ne se prive pas de le rappeler et les voitures électriques et écologiques en sont actuellement le meilleur symbole.
Un environnement logiciel « Unix like » chez Apple et Tesla
Par ailleurs, Apple a déjà proposé à plusieurs constructeurs d’automobiles son système iOS pour optimiser communication externe et gestion des flux audio et vidéo, pour le moment sans grand succès.
L’annonce, l’an passée à Apple’s World Wide Developers Conference d’une version « iOS in the car » avait été très commentée sur le moment. Tesla exploite de son côté le Linux embarqué de Wind River (Intel) pour gérer les batteries de ses autos et les systèmes de propulsions (différentiels et ABS pilotés par soft) et de freinage. La logique des systèmes de navigations, détection de présence d’autres véhicules, les gyroscopes, GPS et musique d’ambiance ne fonctionneraient pas sur le même noyau. Tesla a fait de ses mise à jours logiciel, un argument commercial pour montrer son évolution permanente. La Tesla est considérée par la revue Wired, la référence US en innovation, comme un « gros ordinateur portable ». Le tableau de bord de la Tesla (photo à gauche) comporte déjà un écran tactile, un tableau de commandes qui affiche généralement le trafic routier en haut et les sélections musicales en bas. Images TV, visions nocturnes par des caméras embarquées, documentions sur l’auto sont en option.
Apple et Tesla ont une même logique de communications externe
Les Teslas ne sont pas simplement rapides et silencieuses, selon la firme de San Jose, elles sont la quintessence de l’électronique embarquée, le top du top. Le coté objet « révolutionnaire et sexy » est parfaitement entretenu par Tesla qui a fait appel aux meilleurs ingénieurs des bureaux d’études californiens pour dessiner ses autos, considérées aux Etats-Unis comme la référence absolue en Design. De nombreux dirigeants de la firme à la Pomme roulent d’ailleurs en Tesla, la « Ferrari » des voitures électriques.
Elon Musk cite très souvent Steve Jobs comme visionnaire et ce dernier avait d’ailleurs imaginé de son coté une icar, une auto ultra communicante dont Wall Street s’était fait l’écho. Musk depuis cette année ne tarit pas d’éloges sur le savoir-faire de la « pomme » pour le marketing et le look de ses produits. De ce coté, Steve Jobs ne se cachait pas d’avoir suivi les méthodes de Sony dans la promotion des produits. Une forme de modestie, une passion pour l’innovation, de respect de la concurrence, une vision commune avec un Jobs qui fait déjà d’Elon Musk, selon les revues US, un éventuel futur successeur à l’actuel PDG, beaucoup plus agé que Musk. Mais pour le site Apple insider, la rencontre entre Perica et Musk portait surtout sur l’informatique personnelle embarquée dans une optique médicale et les maladies cardiaques. (lire encadré)
Tesla Motors a clôturé mardi soir au-dessus de 200 $ pour la première fois . Elle a même atteint 203,70 à New York. Mercredi, la valeur à 18 heures était redescendue à 193 dollars. Liz Jarvis – Shean, porte-parole de Tesla à Palo Alto et Kristin Huguet , porte-parole d’Apple , à Cupertino, ont tous deux refusé de commenter ces «spéculations ». Tesla va annoncer les résultats de son quatrième trimestre et donc ses résultats aujourd’hui, jeudi 20 . Les actions de Tesla ont plus que quintuplé au cours des 12 derniers mois.
Elon Musk, l’investisseur et créateur original de Paypal (il l’avait revendu à Ebay) et aventurier de l’espace avec ses lanceurs de satellites est aussi connu pour faire la une des revues économiques car c’est un spécialiste de la communication boursière . Comme il est également le premier actionnaire de Tesla, il n’hésite pas à se mettre en scène. (A droite, sur la photo). Il avait déclaré à Bloomberg dans une interview de mai 2013 qu’ il n’avait pas l’intention de s’éloigner de la société pour «plusieurs années» et que l’acquisition par un autre constructeur automobile n’était pas prévue. Pourtant, une solution d’acquisition était «l’un des résultats possibles dans le futur « , avait-t-il dit, ajoutant que l’acheteur potentiel devrait avoir une grande trésorerie. Sans spéculer sur d’éventuels acheteurs, il avait reconnu qu’Apple était effectivement une société sans souci d’argent.
Le San Jose Mercury News dans ses pages boursières cite James Albertine, analyste chez Stifel Nicolaus & Co. » Il n’y a pas d’indication claire, mais une acquisition est devenue maintenant une possibilité sérieuse, vu le cash d’Apple ». Autres références du SJMN, les analystes Craig Irwin, de Wedbush Securities, Andrea James, avec Dougherty & Co., et Dan Galves, de la Deutsche Bank, ont tous déclaré mardi que les spéculations autour d’un rachat par Apple avaient été en partie responsables de la flambée de l’action Tesla, mais qu’il ‘y avait jamais de fumée sans feu. Ben Kallo, analyste chez Robert W. Baird & Co., a réitéré mardi une note de « surperformance » sur Tesla.
Les 20 kilomètres qui séparent Palo Alto ( le siège de Tesla) de Cuppertino (le siège Apple) pourraient bien se réduire à quelques minutes de conduite, le nouveau siège social d’Apple à Cuppertino, désormais en construction étant presque sur l’autoroute.
Tesla , une plate forme pour gérer les conducteurs cardiaques
Apple aurait déjà développé des interfaces pour suivre sur un ordinateur les personnes ayant des problèmes cardiaques. Sous la direction de Tomheson Holman, Apple étudie les moyens de mesurer le bruit des « turbulences », appliqué à la circulation sanguine. La société veut développer des logiciels et des capteurs qui permettront de prédire les crises cardiaques en identifiant le « bruit » du sang lorsque celui-ci essaie de se déplacer à travers une artère bouchée par des sédiments.
Selon la presse US, le rôle de Holman dans les ambitions médicales d’Apple est particulièrement intrigante en raison de son travail de pionnier dans la recherche audio des enregistrements de films. En tant que directeur technique de l’entreprise Lucas film, Holman avait développé la technologie THX. Cette technologie prend en compte le bruit ambiant pour faire ressortir le son réel. Dans le cas des Tesla, c’est l’infrastructure sonore complète du véhicule, au bruit déjà faible, qui pourrait en bénéficier. La discussion autour d’une surveillance cardiaque dans le véhicule pourrait déboucher, quelle que soit l’issue des tractations sur des interfaces particulièrement utiles.