Rendez vous ! Vous êtes cernés ! Pourtant la téléphonie 4G, omniprésente sur nos murs, dans nos radios, nos PC et nos TV, à l’approche de Noël, n’est pas la révolution annoncée. Il y a au moins 4 bonnes raisons pour prendre de la distance et épargner son porte feuille. Nos 4 griefs:
1- La mutation profitera surtout aux opérateurs.
On vous vend l’accès plus rapide mais qui a besoin de 150 Mbits (12 Mbit/s en moyenne selon plusieurs tests en région parisienne) pour accéder à ses mails ? La motivation et la vérité sont ailleurs.« La 4G, c’est la possibilité de multiplier par 7 votre ARPU » (Average revenue per user), le chiffre d’affaire par client. C’est pour vos services moins de frais de structures, et surtout plus de consommation par client. » Ces déclarations ne sont pas scandaleuses, elles étaient écrites dans les dossiers techniques remis aux opérateurs durant le Mobile World Congress de Barcelone en février dernier. Et ce n’était qu’une répétition des discours des quatre congres précédents. Leurs auteurs ? Les fournisseurs de commutateurs infrastructures, les commutateurs, routeurs, antennes et relais 4G (Huawei, Alcatel, Ericsson, etc.) qui ne s’en cachent pas d’ailleurs. La concurrence amenée par « l’iceberg » Free a déchiré les certitudes en faisant chuter les marges, de « quelque points » selon Martin Bouygues, lui même (photo).
« On gagne plus en construisant les réseaux des autres » osent répéter les vieux ingénieurs des TP du 3ème opérateur, ceux qui n’ont jamais apprécié la diversification du premier groupe BTP dans la télévision , le cinéma et le téléphone.
Du cash pour aller plus loin
Pour les opérateurs qui ont beaucoup emprunté, la 4G n’est pas un luxe, mais un vrai canot de sauvetage. C’est le cas chez tous les vieux opérateurs mondiaux. La France n’a pas le monopole des cœurs de réseaux fatigués et des marges dérisoires. Tous les opérateurs recherchent de nouveaux relais de croissance.
L’entrée en bourse de SFR, c’est la promesse d’une bonbonne d’oxygène pour éviter l’asphyxie d’un marché saturé. Avec 75 millions d’abonnement pour 65 millions de français, il « va falloir se remuer pour progresser » avoue-t-on chez Orange. Si l’argument massue des fournisseurs d’opérateurs est « avec moins d’antennes, vous pourrez gérer plus d’abonnés », c’est la vision du tout IP simplificateur qui fait rêver: » vous gérerez l’ensemble de votre réseau de manière plus simple ». En France, l’internet haut débit devenu possible sur les mobiles 4G « à moindre coût » est prometteuse car la perspective de voir les clients tripler leurs dépenses téléphoniques pour accéder à Internet stimule les acteurs.
Selon l’Idate, le cabinet d’étude spécialisé dans les télécoms, un client 4G serait prêt à consommer 2 Go par mois, contre 700 à 800 Mo pour les clients 3G. D’où l’intérêt de proposer des forfaits attractifs par palier, pour optimiser la consommation de trafic internet, et verrouiller le client sans le coté illimité de l’ADSL encore possible. Les fréquences pour mobiles, un jackpot pour l’état.
Mais à la décharge des opérateurs, ceux-ci font un (dernier ?) gros pari en investissant dans la 4G. Le vrai gagnant est d’ailleurs pour l’instant l’état, avec un bénéfice de 3,5 milliards d’euros pour la vente des fréquences. Bouygues Télécom devrait payer pour la 4G près de 911 millions d’euros. Free Mobile : 271 millions (mais seulement pour le spectre de 2,6 GHz), Orange : 1,3 milliard d’euros et SFR 1,2 milliard d’euros. En permettant, par exemple, à Bouygues Télécom, d’utiliser ses anciennes fréquences de la 2G (celles du GSM à 800 MHz) pour créer son réseau 4G et prendre un avantage certain, l’état a reçu un chèque de 60 millions d’euros au lieu des 13 millions habituels pour les seuls 3G et le GSM. Pas étonnant que le numéro 3 du mobile avec 11 millions d’abonnés cherche à désormais partager les frais de réseau avec SFR qui, de son coté, cherche à entrer en Bourse avec un maximum d’arguments pour ses futurs actionnaires. La bataille de la 3G, avec l’arrivée de Free Mobile, a été rude coup pour Bouygues. Conspué par ses clients (un tour sur leur forum utilisateurs est édifiant), suspecté par des franchisés de vouloir revendre son réseau au plus offrant, c’est l’opérateur qui a le plus perdu en terme de part de marché avec Free Mobile : 9% de perte contre 7,3% à SFR et 5% à Orange.
Mais ces deux derniers opérateurs ayant deux fois plus de clients que Bouygues, la « peine » financière est finalement assez bien répartie. Bouygues a voulu du coup remonter ses revenus par abonné, le fameux Arpu et la 4G était la solution rêvée. Car avant l’arrivée de la 4 g en octobre, le marché était très morose. Selon l’Arcep, l’augmentation du volume de minutes consommées sur le deuxième trimestre 2013 (60 milliards, soit +3,9% en glissement annuel) et de SMS/MMS échangés (48,5 milliards, soit +4,9%) ne compensait pas la baisse des prix liée au lancement de Free Mobile qui remonte pourtant déjà à janvier 2012. Mais Free a recommencé avec un offre 4G low cost à 19 ,90 euros avec 20 Go mensuels et Bouygues via sa filiale B&You a emboité le pas et aujourd’hui Bouygues vient d’annoncer qu’elle ne ferait pas différence de pro entre 4 g et 3g. Une démarche auquel SFR et Orange ne pourront pas échapper, une course qui remet déjà en cause les investissements, une situation déjà soulignée dans la rubrique « pertes et profits » des pages économiques du monde du 8 décembre.
2 La couverture des réseaux n’est pas meilleure qu’avant et les débits réels sont 6 à 10 fois plus faibles qu’annoncés
Les débits annoncés de 150 Mbits/s sont plutôt, selon les endroits entre 12 et 25 Mbits/s, mais uniquement dans des zones très fréquentées. C’est tout de même, dans certaines conditions optimales, 6 fois les débits de la 3 G. Mais la couverture dans Paris par exemple est très limitée. Le magazine 50 millions de consommateurs a même porté plainte contre les opérateurs mobiles pour publicité mensongère, une première depuis des lustres. C’est la première fois, depuis l’amende géante pour entente illicite payée par les trois premiers opérateurs du mobile, que l’on se pose des questions sur ce sujet ; un mensonge collectif.
Mais sur les débits, nos confrères anglais et allemands ont fait les mêmes découvertes dans leurs propres pays : 25 Mbits/s reste un très bon résultat, 30 au pied d’un émetteur, un record. Par contre, les délais de mise en relations, inférieures à 3 dixièmes de secondes, sont nettement meilleurs que pour la 3G. De quoi se plaignent ils exactement ? pourrait-on nous opposer. C’est assez simple : de nous inonder de messages d’une exagération débilitante qui témoignent du regard amusé et méprisant des opérateurs pour les hypothétiques clients que nous sommes.
Une nouvelle drogue
Pourtant pour le jeu sur Internet, la différence sera décisive. On peut prévoir que les pauvres jeunes accros se mettront d’emblée aux smartphones 4G, pour assouvir leurs passions en plein air et vidanger sans réfléchir leurs porte monnaie. Pour les applications Internet, tout dépendra des options prises par les hébergeurs et les créateurs de sites pour optimiser les interfaces mobiles. Mais la perspective de voir de plus en plus de personnes travailler sur un pc portable avec une clé USB 4G, augmente. Pour Thomas Husson, du cabinet Forrester Research qui travaille quotidiennement avec les plus grands opérateurs mondiaux, la tendance 4G répondrait à nos nouvelles méthodes de travail de plus en plus décentralisées, celles du 21ème siècle : « Nous sommes devenus de plus en plus impatients, on veut tout, tout de suite, sans latence, sans attente : la 4G donne aux opérateurs la capacité de répondre à cette demande » Depuis le 1er octobre des milliers d’antennes 4G de Bouygues et son réseau couvrent 63 % de la population, soit environ 40 millions de personnes, « le plus grand réseau 4G » même si cela ne correspond en fait qu’à 20 % du territoire. C’est pour Bouygues une couverture deux fois plus grande que celle de ses concurrents Orange et SFR, qui ne couvrent que 25 % à 30 % de la population. Orange et SFR promettent « au moins 40 % » d’ici à la fin de l’année. Free avec ses 700 antennes après avoir un peu tergiversé autour de la 4 G, s’est rendu compte de son intérêt pour valoriser ses accès internet. Mais au vu des travaux actuellement réalisés, on se pose des questions sur la vraie couverture de son réseau. L’autorité des télécoms, l’Arcep, a promis des éclaircissements. Quand à la révolution promise par Bouygues, elle n’a pas encore eu lieu, les chiffres de changements entre opérateurs n’ont presque pas varié à son profit, seul free continue de progresser alors que l’opérateur n’avait pas encore de 4 G. Le président du groupement du GIE, Nicolas Houéry, qui surveille la portabilité des numéros précisait à la fin novembre :« Depuis le début du mois, il y a eu environ 500 000 portabilités, soit le même niveau que le mois dernier et octobre 2012 ».
3 En 4 G la durée de vie des batteries est actuellement réduite
Les mobiles en transférant plus de données par ondes engendrent un trafic électronique et une consommation électrique largement supérieur dans chaque appareil. Mais les batteries n’ont pas augmenté de capacité pour autant. Les nouveaux 4G, les iPhone 5S et 5C d’Apple, les Samsung Galaxy S3 et S4, Lumia 920 et 820 de Nokia l’Xperia Z de Sony, les HTC One et One SV annoncent en général 40% de durée d’utilisation en moins dans un mode 4 G par rapport à la 3G. Ces chiffres, s’ils varient d’un fournisseur à l’autre, montrent une vraie différence sur la durée. Mais les batteries de 1570 mA/h pour l’iPhone5, n’ont par exemple pas de rapport avec les 2600 mA/h du Samsung Galaxy4. Dans ce domaine aussi les processeurs et les système d’exploitations pèsent plus lourd dans l’usage que la capacité de la batterie elle même. Bref , la 4 G consomme plus.
4 La 4 G rayonne plus que ses prédécesseurs
C’est d’abord les téléphones, qu’il faut observer dans le détail, car ce sont eux le vrai problème. Un mobile émet cinquante fois plus d’ondes pour l’utilisateur qu’une antenne et surtout lorsqu’on le porte au niveau de l’oreille. Avec la 4G les radiations sont légèrement plus importantes que la 3G et mêmes si elles restent dans les normes admises par l’Europe, elles inquiètent. Nokia , au 3G World Congress de février 2012, avant la revente de sa divisions mobile à Microsoft, avait même admis qu’avec l’évolution des téléphones, de plus en plus nombreux, et d’une puissance croissante , les radiations résultantes deviendraient, dans le futur, préoccupantes. Cela en particulier représenterait un risque pour les enfants, s’ils n’utilisaient pas d’oreillette, la masse de leur cerveau restant moins protégé que celles des adultes.
Paradoxalement, le danger viendra, peut être en fait, des films et jeux que l’on appréciera assez fluides sur les smartphones 4G. Plus captivés par leurs téléphones que par la circulation automobile, nos enfants à la sortie des écoles, risquent d’être très distraits. L’évolution du Web vers les mobiles changera la donne. Bref, l’ensemble des évolutions profite surtout aux opérateurs et le simple fait d’obtenir plus vite les informations ne justifie pas encore la différence d’investissement. Seuls les passionnés de vidéos et ceux qui dépendent d’une actualité économique stratégique, où qu’ils soient, justifieront ces achats. A terme, l’utilisation grandissante du réseau mobile pour l’informatique dans le web changera la donne. Le support optimisé des mobiles par les sites web participera certainement à cette évolution. Mais la 4G progressera inéluctablement poussée par tous les opérateurs car l’attrait de la nouveauté est décisif et qu’importe si le père Noël de la 4G n’existe pas et que son déguisement et son baratin font plutôt de lui une ordure. Mais les quatre opérateurs de 4G à force de faire monter la mayonnaise l’ont rendu écœurante.