L’internet Society France invite les parlementaires français à améliorer le projet de Loi sur le renseignement pour favoriser l’équilibre nécessaire entre le respect des libertés individuelles et les activités de renseignement

Dans les prochains jours, le parlement français s’apprête à débattre et voter – dans le cadre d’une procédure accélérée – le projet de Loi sur le renseignement, proposé en Conseil des Ministres le 19 mars dernier. Bien que déjà prévu avant les attentats qu’a subi la France en janvier dernier, cette loi, qui vise notamment le terrorisme, trouve un écho particulier à la lumière de ces événements.

Si la lutte contre le terrorisme et les activités illicites ne fait pas et ne doit pas faire débat, l’Internet Society France tient à souligner le nécessaire équilibre à trouver entre le respect des libertés individuelles et les activités de renseignement. Ce projet de Loi a pour but de donner un cadre légal à des activités de renseignement, dont certaines sont déjà en pratique. C’est donc une opportunité, aujourd’hui donnée aux parlementaires, pour améliorer ce projet et en renforcer les dispositifs et les cadres de contrôle.

Nous pouvons citer les autorités françaises elles-mêmes qui indiquaient en 2010 à propos du Deep Packet Inspection (DPI) : “Si ce type d’outils peut répondre à des fins légitimes et des besoins d’efficacité, leur mise en place soulève toutefois plusieurs inquiétudes liées à la protection de la vie privée, au respect du secret des correspondances ou à la protection de la neutralité de l’Internet. Le risque notamment évoqué est de les voir utilisés à d’autres fins que celles prévues initialement, sans nécessairement accompagner cette évolution des précautions adéquates.”  [1]

L’Internet Society France tient à souligner plusieurs axes d’amélioration des dispositions du projet de Loi :

Restaurer la place du pouvoir judiciaire et du contradictoire

Tant sur le plan de la saisie de la justice à la suite d’investigations relatives au renseignement, que sur le plan du contrôle et des recours, l’Internet Society France préconise de restaurer la place du pouvoir judiciaire, afin de garantir l’application du droit commun et de permettre des recours en cas de contentieux.

Ces recours devraient pouvoir s’exercer par les citoyens ou par des associations qui les représentent, sans filtre administratif préalable et avec une procédure qui laisse la place au contradictoire.

 

Composition de la future commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR)

Nous suggérons que ce projet de Loi soit l’occasion d’améliorer la représentativité au sein de cette nouvelle commission mise en place en replacement de l’actuelle commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS).

Des personnalités indépendantes pourraient y siéger, ainsi que des représentants des autorités administratives en lien avec la protection de la vie privée comme la CNIL. Une meilleure collégialité dans les décisions nous semble également indispensable et une réflexion doit être menée sur la Présidence de la commission qui doit être indépendant du pouvoir exécutif, sa voix étant prépondérante.

L’Internet Society France salue à cet égard l’intégration de l’ARCEP à cette future commission.

Boîtes noires

En l’état du projet, le flou qui entoure la mise en oeuvre de la surveillance sans contrôle judiciaire semble rendre l’expertise critique du dispositif difficile : algorithme non connu, déploiement potentiel chez tous les opérateurs, qu’il s’agisse de FAI ou d’hébergeurs, et absence de contrôle à priori sur ce déploiement.

L’inquiétude de l’Internet Society France sur ce sujet est d’ouvrir une brèche dans la surveillance au coeur même du réseau, surveillance qu’il pourrait être aisé d’étendre dans le futur, en l’absence d’évaluation à priori.

Sans compter également les possibles impacts techniques d’une telle solution.

Protéger les lanceurs d’alerte, les journalistes et les avocats

Si les recours doivent être possibles, nous pensons également que les agents qui pourraient constater des dérives dans l’application du dispositif doivent pouvoir saisir le Conseil d’Etat ou la CNCTR, et bénéficier de la garantie d’une protection immédiate.

Les journalistes et avocats doivent pouvoir bénéficier d’un statut particulier assurant le respect de la confidentialité des sources et de leurs échanges professionnels.

Nous saluons la mobilisation des organisations et des associations sur ce projet de Loi, et plus particulièrement la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), la Ligue des droits de l’Homme (LDH), Reporters sans frontières, Amnesty International et Privacy International qui ont exprimé récemment leurs inquiétudes dans un communiqué commun soulignant les dérives possibles dans le futur.

L’Internet Society France invite les parlementaires français à améliorer ce projet de Loi en se saisissant de ces différentes propositions.