A l’occasion de sa première Université du Numérique, le Medef a rassemblé des spécialistes du digital et des chefs d’entreprises et symbolise la prise de conscience de la transformation à laquelle elles sont toutes confrontées.
« C’est là une réunion complètement irréaliste, ponctuait Jacques Attali à l’issue de cette première journée de l’Université du organisée par le Medef. L’ancien conseiller de François Mitterrand qui aime manipuler le paradoxe expliquait que « c’était comme si le CNPF avait organisé une conférence dans les années 50 pour savoir s’il fallait utiliser le téléphone. Le numérique n’est pas un choix (…) c’est à la fois une menace pour tout, les emplois, les business models, mais aussi une formidable opportunité. » Dans les 20 années à venir, l’industrie automobile par exemple, va être complètement balayé avec l’arrivée de la voiture autonome et connectée qui permettra de passer du modèle de la propriété à l’usage libérant ainsi quelque 1000 milliards d’euros de pouvoir d’achat qui pourront être utilisés pour acheter de nouveaux services qui restent à inventer. L’autonomie permettra ainsi de libérer ainsi du temps perdu dans la conduite et qui pourra être utilisé à autre chose plus utile, que ce soit de la formation ou des loisirs. Comment fait-il que seulement 10 % des entreprises françaises exportent alors que toutes devraient le faire ? Le numérique est une condition de survie concluait le fondateur de Planet Finance.
Avis partagé par Pierre Gattaz dans son discours introductif pour qui « quels que soient le secteur et l’entreprise qui sont les vôtres, (Banque, Energie, Immobilier, Aérospatial, Transport,…), protégés ou non, ils sont et vont être attaqués, et cela d’autant plus qu’ils présentent des positions de rente économiques attractives.
Ainsi, qu’il s’agisse d’Uber dans les transports, d’AirBnB dans le tourisme, de Lending Club dans la finance ou de Zillow dans l’immobilier, tous court-circuitent les structures classiques et font sortir de nulle part des plateformes reliant directement fournisseurs et consommateurs ».
L’Europe et le marché numérique unique, le financement de l’innovation, la sécurité et la confiance dans le numérique, telles sont quelques questions de cette première journée. L’Europe a un potentiel plus important que le marché nord-américain mais n’est pas encore parvenu à construire un marché unique du numérique. Cependant, la capacité d’innovation existe, les consommateurs. Et pourtant l’Europe du numérique est très en retard. Un thème qui avait été largement développé dans le rapport Lemoine sur la transformation numérique de l’économie française et qu’a repris son auteur qui considère que « les grandes entreprises et l’administration sont lentes dans leur transformation ».
Pourquoi L’Europe est-il devenu le terrain de jeu des entreprises américaines du numérique et pas seulement les GAFA ? D’abord, l’unicité du marché américain de près de 400 millions de consommateurs permet aux firmes locales de se développer et de devenir profitable et être en excellente position pour s’installer dans les différents pays européens. Finalement, sur ce point, le numérique ne change rien à un problème largement connu dans l’économie traditionnelle. Autre avantage dont bénéficient largement les entreprises américaines que l’on qualifie avec pudeur d’optimisation fiscale qui se traduit simplement par le fait qu’elles payent très peu d’impôts.
Les entreprises européennes, elles, doivent se colleter avec 27 marchés différents et morcelés. Ensuite, « la défense des intérêts existants n’existe pas vraiment aux Etats-Unis et a permis l’émergence de nouveaux acteurs » expliquait Thibaud Simphal, directeur général d’Uber France qui prêchait en même pour sa paroisse. « Le droit anglo-saxon est beaucoup adapté à l’émergence de nouveaux modèles ».
Parmi les autres faiblesses de l’Europe face au numérique, Didier Mama, vice-président Big Data ventes pour la région EMEA, pointe le fait que « notre culture scientifique de nouveaux jeunes diplômés n’est pas accompagnée de la culture technologique suffisante. Par innover c’est prendre des risques et pour le calcul d’un ROI n’est pas adapté ». Une étude du World Economic Forum montrait que la France était très mal classée sur la prise de risque.
Jean-Pierre Corniou (à gauche) et Didier Mama (à droite)
Qui pour mener cette transformation numérique ? La direction générale doit porter ces projets du numériques répondait à l’unisson l’ensemble des intervenants mais pour lesquels l’ensemble des forces de l’entreprise doivent être largement impliquées. « Il ne s’agit pas d’ajouter de nouveaux outils aux processus existants, mais de changer les process », considère Jean-Pierre Corniou, Vice-Président du cabinet SIA Conseil. « La révolution numérique est une révolution culturelle et non technologique et les projets du numérique ne doivent pas être menés comme l’ont été les projets informatiques en leur temps. Il faut être agile, pratique, concret et opérationnel poursuivait l’ancien DSI de Renault pour qui la traditionnelle organisation Maîtrise d’œuvre/Maîtrise d’ouvrage n’est absolument pas adapté ».